Katharsis : Jacob Khrist et Julie Savoye
Pour Nuit Blanche 2022, Emmaüs Solidarité invitait le photojournaliste Jacob Khrist ; une proposition pour découvrir son travail documentaire sur la fête libre.
Exposition : avec la plasticienne Julie Savoye, Jacob "voyage dans la galaxie Khrist".
Emission live : pour analyser ensemble la Katharsis, Jacob n'avait pas choisi un divan mais des chambres à air et son complice un peu psy, le journaliste Xavier Faltot.
Une anecdote ? Ce moment où vous avez peut-être croisé le fauve Khrist... vous pouviez le raconter !
Line up : merci à Prince Inexil, SpunOff, Clyde Dk, Black Dog Bastard, Damien Raclot-Dauliac.
"Ce n’est pas une histoire de fête, mais une histoire de fous, de primitifs, d’enfants rampant autour d’un seul tuteur, la lumière, celle qu’on cherche ou celle qu’on tue, celle qu’on fabrique ou celle qu’on abîme.
Jacob a incarné cette histoire autant qu’il l’a gravée sur du papier photo.
Jacob a laissé Khrist se transfigurer partout, là où le béton écrase et sépare, dans les territoires laissés pour s’abandonner, pour s’abriter, maintenant que nous sommes têtes nues, pour être en nombre, âmes seules et cognées, parce qu’il faut reprendre ses droits d’humain, comme des
mauvaises herbes qui deviendraient des arbres aux ramures sans limites dans un ciel où les lumières artificielles ont fait taire les étoiles.
Jacob s’est fourvoyé, il s’est lancé comme une grenade sur des voies de garage, dans des lieux d’oubli de soi dans l’autre, dans des foules hirsutes et haletantes, dans des anti‐abattoirs, où l’on reconstitue sa viande, où les vibrations de la danse, de la drogue, du son et des autres corps réparent le moment, lui rendent son absolu, son élasticité, la sensation de son existence.
Jacob a fait un pèlerinage dans tous les temples dessinés au sol ou au sous‐sol, où se célèbrent des dieux sans religion, où s’attaquent et se transgressent toutes les bienséances, où s’agrègent, le temps d’une nuit, des adeptes sans espoir et sans promesses.
De ces fulgurants nyctalopes, il reste des traces saisies par Jacob, des photos comme des stigmates, des reflets de seconde, où la lumière est, boxe les uns, retombe sur les autres, cherche les outrenoirs de la marge ; Julie, à l’inverse, extrait de ses couleurs la lumière, et reproduit symboliquement par ses combinaisons de papiers les assemblages à l’œuvre dans la fête, l’unité temporaire, la communauté qui se forme et se déforme. L’intérieur qui se construit et se reconstruit en se projetant à l’extérieur.
De l’autre côté du trait, à côté de la société, à sa lisière, en dehors mais tout au cœur, on y est de passage, le temps d’une fête ou d’une mauvaise passe, on y va ou on en vient, on en rêve ou en cauchemarde, on s’en sort où on y reste, on ne sait pas, on sait peu."
Sophie Blandinières [texte de salle pour l'exposition Katharsis]